
Frankenstein
Texte et mise en scène: Jan-Christoph Gockel
D’après le roman «Frankenstein; Or, The Modern Prometheus» de Mary Shelley
Scénographe: Julia Kurzweg
Créateur marionnettes & marionnettiste: Michael Pietsch
Création Costumes: Emilie Jonet
Création son & musicien: Anton Berman
Créateur lumière: Jean-Jacques Deneumoustier
Dramaturge: Cécile Michel
Assistant mise en scène: Maxime Glaude
Assistante scénographie: Sarah Deppe, Julia Ippolito
Assistante dramaturgie: Irina Reinke
Traduction et surtitrage/Translation and surtitling
Avec
Léone François, Anton Berman, Alfredo Cañavate, Bruce Ellison, Thomas Halle, Gianni La Rocca, Michael Pietsch (en alternance avec Laurenz Leky)
Et
Lucas Hamblenne, Romain Gueudré, Pierre Ottinger
« La mort doit être abolie. Cette saleté de cochonnerie doit cesser ; Celui qui prononce une parole de consolation est un traitre » Bazon Brok
Nous allons tous mourir.
Chaque homme va mourir. Que laissons-nous derrière nous lorsque nous sommes morts ? Les souvenirs que les autres ont de nous, des pensées, des sentiments. Et nous laissons des objets derrière nous, des choses dont on a hérité par exemple. Mon propre appartement
est plein de ces objets que des gens qui ne vivent plus m’ont laissé : je m’assieds par exemple tous les jours sur une chaise que mes arrière grands-parents se sont offerts pour leur mariage en 1934. Je ne pense pas tout le temps à eux, lorsque je m’y assieds, mais souvent. Ainsi, les morts sont vivants dans mon esprit, je me souviens d’eux à travers un objet.
Victor Frankenstein dans le célèbre roman de Mary Shelley refuse d’accepter la mort comme une fin. Il veut la surmonter. Il collecte des morceaux de cadavre, les réunit et en fait son « monstre ». Dans le roman il est constamment entouré par la mort, et au cours du récit presque toute sa famille est tuée. Il ne peut pourtant jamais accepter la mort et la combat sans cesse.
Comment combattons-nous la mort aujourd’hui ? Avec la technologie : nous travaillons à des mutations génétiques qui devraient un de ces jours nous offrir la vie éternelle. Ou bien nous nous souvenons !
Dans notre version, le monstre de Frankenstein sera composé de souvenirs ; de trucs que des gens ont laissés derrière eux, de ces petites choses qui ont pour chacun de nous une énorme importance ; des meubles hérités, des cadeaux offerts par des gens qui ne sont plus en vie aujourd’hui, une robe de mariée... Le monstre de Frankenstein sera composé de tous ces petits objets et des histoires qu’ils véhiculent.
« Pour les gens, les récits de vie sont des abris quand la crise règne au dehors. Tous les récits de vie, les objets, les choses qu’on laisse, forment ensemble une écriture invisible.
(...) Ces objets, ces choses, ces récits de vie n’existent pas seuls mais en groupes, en générations, en Etats, en réseaux. Plus que jamais, les récits de vie sont les réceptacles de toutes les expériences du monde. »
Extrait du spectacle Frankenstein, Jan-Christoph Gockel, d’après les réflexions d’Alexander Kluge
Pour Jan-Christoph Gockel, le metteur en scène, le mythe de Frankenstein pose une question centrale : Comment vaincre la mort ? le personnage de Victor Frankenstein dans le roman de Mary Shelley vient de perdre sa mère lorsqu’il part faire ses études de science en Allemagne, études qui le conduiront à découvrir le principe de vie. Il est hanté par cette perte et aimerait trouver une façon de la surmonter. Nous sommes tous confrontés à la mort et au deuil et, depuis l’aube de l’humanité, des rites et des actions matérielles nous aident à vivre ce passage. Une des façons que nous avons tous de surmonter la mort est le souvenir, les anecdotes concernant les personnes disparues qui se matérialisent souvent par des objets, auxquels sont liés les histoires de nos morts.
Comme la créature de Frankenstein est constituée de différents morceaux de cadavres trouvés dans des cimetières, la créature du spectacle est composée de multiples objets, récoltés auprès du public et de l’équipe du théâtre qui ont tous appartenu à des personnes décédées. Ce monstre serait donc comme une sorte de léviathan mémoriel, une énorme représentation matérielle de notre mémoire commune, tous ces récits de vie imbriqués les uns dans les autres.
Et le spectacle est traversé par tous ces récits, qui en sont le fil rouge. On pourrait d’ailleurs y distinguer trois parties ; l’enfance et le passé de Victor Frankenstein, la construction mémorielle (la créature), la destruction de la créature qui correspond à la nécessité d’oublier.

Théâtre National Wallonie-Bruxelles
Le Théâtre national de la Communauté française (anciennement Théâtre national de Belgique) est une institution théâtrale fondée à Bruxelles en 1945 par Jacques Huisman.
Le Théâtre national de Belgique naît le 19 septembre 1945 par arrêté du prince Régent. Parmi les missions qui lui sont confiées : « contribuer à la diffusion de la culture, répandre le goût du théâtre de qualité, faire connaître en Belgique et à l’étranger le théâtre belge (auteurs, metteurs en scène, comédiens, décorateurs, etc.) et relever la condition sociale et professionnelle des comédiens ». Cette dernière mission est confirmée en 1958, lorsque le Théâtre national devient « établissement d'utilité publique ».
En 1961, le Théâtre national de Belgique s'installe au Centre Rogier, entre la place Rogier et la gare du Nord, non loin de la place de Brouckère, au centre de Bruxelles, dans un espace spécialement construit pour lui. Le Centre Rogier étant voué à la démolition en 1999, le TNB quitte la place Rogier et emménage provisoirement non loin de là, dans l'ancien cinéma Palace, avant de s'installer, toujours dans le centre, dans un bâtiment nouvellement construit selon les plus récents critères scénographiques au boulevard Émile Jacqmain et inauguré le 16 novembre 2004 et devient le « Théâtre national de la Communauté française de Belgique » (dite aussi Communauté Wallonie-Bruxelles).
Le nouveau Théâtre national de la Communauté française de Belgique comporte notamment une grande salle de 750 places, une petite salle de 250 places, un vaste foyer sur quatre étages avec deux bars, une salle de répétition, un studio son, etc.
Depuis, 2008, le Théâtre National collabore régulièrement avec le Koninklijke Vlaamse Schouwburg (KVS), son pendant de langue néerlandaise, installé à Bruxelles dans le même quartier.
Jan-Christoph Gockel

Après avoir grandi à Kaiserslautern dans le Palatinat Rhénan, Jan-Christoph Gockel poursuit des études de théâtre et de cinéma à Francfort-sur-le-Main, puis s’initie à la mise en scène à l’école Ernst-Busch de Berlin, très étroitement liée au Berliner Ensemble.
C’est un partenariat entre le Festival de Liège et la Schaubühne am Lehniner Platz qui le fait connaître en Belgique dès son projet de fin d’études. Très vite son esthétique s’oriente vers l’association d’éléments documentaires, de musique et de marionnettes.
La rencontre avec Michael Pietsch est sur ce dernier point décisive : manipulateur et constructeur de marionnettes, il est devenu le partenaire et complice de Jan-Christoph depuis une dizaine de spectacles, qui presque tous ont à voir avec le conte, le fantastique, l’Unheimlich (inquiétante étrangeté) dont les dimensions philosophiques voire métaphysiques s’expriment presque toujours par le bricolage concret, à vue sur le plateau, de la matière et des objets.
Parmi les titres représentatifs de cette orientation, on retiendra Grimm un conte allemand inspiré de la vie et l’œuvre des frères Grimm, une version très personnelle de Metropolis, Merlin ou la terre dévastée de Tankred Dorst, Schinderhannes (sorte de Robin des Bois rhénan), Les Rats de Gerhart Hauptmann, puis Macbeth et Pinocchio.
Depuis 2014, Jan Christoph Gockel est artiste résident au Théâtre de Mayence où s’intensifie encore sa collaboration avec Michaël Pietsch, augmentée de celle de Julia Kurzweg, leur scénographe. Depuis son plus jeune âge Michael Pietsch construit des marionnettes et s’interroge sur la frontière trouble entre la vie et la mort, l’animé et l’inanimé. Dans Macbeth, où la mort est omniprésente, il s’empare d’animaux empaillés et leur restitue la vie. Pour Les frères Grimm, il a l’idée d’un géant de quatre mètres de hauteur nécessitant le travail d’animation de quatre ou cinq manipulateurs.
Quant à Frankenstein, puisqu’il serait un peu trop morbide d’aller dans les cimetières collecter des morceaux de chair et des fragments de squelette, Michael et Jan-Christoph ont préféré opter pour des objets qui ont une histoire, des objets en héritage, ou de récupération, qui ont partagé avec leurs propriétaires une tranche importante de leur vie. Le monstre, ainsi bricolé en direct sur un plateau de théâtre transformé en laboratoire, sera porteur de cette large mémoire collectée auprès des collaborateurs du spectacle, du personnel du théâtre, et même des spectateurs qui accepteront de participer à cette expérience performative.
Et pour cette première production portée par le Théâtre National à Bruxelles, les deux compères ont décidé de donner un nom à leur aventure artistique, peachesandrooster une sorte d’anagramme ou de mot-valise qui porte en son centre la racine du mot « androïde » et qui associe leurs deux noms en un étrange attelage monstrueux.
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