
George-Friedrich Haendel (1685 - 1759): Rinaldo
Opéra seria en trois actes
Créé au Haymarket de Londres le 24 février 1711
Mise en scène et scénographie: Claire Dancoisne
Assistée de: Marie Liagre
Lumières: Hervé Gary
Costumes: Elisabeth de Sauverzac
Ensemble Le Caravansérail
Direction musicale: Bertrand Cuiller
Rinaldo, contre-ténor: Paul-Antoine Bénos
Goffredo, alto: Lucile Richardot
Almirena, sa fille, soprano: Emmanuelle de Negri
Armida, soprano: Aurore Bucher
Argante, basse: Thomas Dolié
Deux comédiens: Gaëlle Fraysse & Nicolas Cornille
Rinaldo est un opéra de Georg Friedrich Haendel, créé le 24 février 1711 au Queen's Theatre de Londres
Haendel, alors maître de chapelle de l'Électeur de Hanovre, futur roi d'Angleterre, arrive à Londres en novembre ou décembre 1710. Cette même année a été donné Almahide de Bononcini, le premier opéra chanté à Londres de bout en bout en italien2. Haendel est déjà un compositeur reconnu et, malgré une activité musicale certaine où l'italianisme domine, l'Angleterre est en attente de nouveauté depuis la mort de Purcell en 1695. La tentative de Purcell et de John Blow (mort en 1708) de créer un opéra national anglais était restée lettre morte faute de successeurs.
Livret
Le sujet, qui a pour source la Jérusalem délivrée du Tasse et évoque les amours d'Armide, a été choisi par Aaron Hill, directeur du Queen's Theatre et confié au librettiste Giacomo Rossi. Ce dernier en fait l'adaptation non sur la version originale en italien, mais à partir d'une traduction anglaise. Le livret étant en italien, cette double traduction a conduit certains commentateurs à dénoncer une sorte de forfaiture2. Haendel compose la musique en deux semaines en utilisant de nombreuses reprises3, le compositeur recyclant des airs de ses propres cantates, voire empruntés à ses collègues italiens. Ainsi l'aria « Lascia ch'io pianga » est une reprise d'une œuvre antérieure, Lascia la spina tirée de l'oratorio Il Trionfo del Tiempo écrit en 1707. C'est la qualité de la musique du compositeur, quoique inégale, qui sauve les longueurs et les maladresses du livret.
L'opéra est conforme au style d'opera seria à grand renfort de machinerie et d'effets visuels spectaculaires associant guerre et magie. Hill va jusqu'à introduire à la première un lâcher d'oiseaux dans la scène du bocage du premier acte qui impressionna fort les spectateurs.
Synopsis
L'ouverture en fa majeur est à la française (lent-vif-lent), mais se conclut par un nouvel allegro. Le traitement du violon apporte à la composition un parfum italianisant.
Acte I
Le camp chrétien assiégeant Jérusalem.
Goffredo, chef de la croisade a promis la main de sa fille, Almirena, à Rinaldo s'il conquiert la ville. Argante le roi de Jérusalem a obtenu une trêve de trois jours. Il espère que son amante, Armida, reine de Damas, mais qui est aussi magicienne, mettra cette trêve à profit pour détourner Rinaldo de ses devoirs.
Rinaldo et Almirena échangent leurs vœux à l'abri d'un bocage, lorsque survient Armida. Par ses sortilèges, elle enlève Almirena et laisse Rinaldo désespéré. Goffredo et son frère Eustazio conseillent à Rinaldo de se faire aider par un magicien pour récupérer son amante.
Acte II
Sur le rivage, Rinaldo, Goffredo et Eustazio discutent sur les moyens d'atteindre et convaincre le magicien. Une femme invite Rinaldo à embarquer sur un vaisseau ancré à proximité en affirmant qu'elle le mènera auprès d'Almirena. Rinaldo obtempère malgré l'opposition de ses deux compagnons.
La scène suivante se passe dans le palais d'Armida. Argante qui est tombé amoureux d'Almirena lui déclare sa flamme. De son côté, Armida intercepte Rinaldo qui vient d'arriver et tente de l'envoûter en prenant l'apparence d'Almirena. C'est alors que survient Argante qui, leurré par l'apparence, réitère son amour à Almirena et lui promet de la délivrer d'Armida. Celle-ci furieuse reprend sa forme réelle et une violente querelle l'oppose à Argante.
Siège de Jérusalem
Acte III
L'acte débute par une Sinfonia. Goffredo et Eustazio ont trouvé la grotte du magicien au pied de la montagne sur laquelle se trouve le palais d'Armida défendu par des monstres. Le magicien donne aux deux hommes des baguettes magiques pour lutter contre les maléfices.
Dans le palais, Rinaldo sauve Almirena des mains d'Armida qui s'apprêtait à la tuer. Les esprits viennent en aide à la reine de Damas menacée par Rinaldo et la font disparaître dans une faille de la montagne. Goffredo et Eustazio arrivent et par la grâce des baguettes magiques font disparaître le château. On voit, à la place, apparaître Jérusalem.
Argante et Armida se réconcilient et se préparent à affronter les armées chrétiennes. La bataille indécise sourit aux croisés dès que Rinaldo apparaît. Argante et Armida sont faits prisonniers ; graciés, ils se convertiront au christianisme. Rinaldo épouse Almirena. Le chœur final glorifie la vertu.
Un sacré pari, assorti d’une belle réussite : tel est le Rinaldo de Haendel produit par La Co[opéra]tive, créé jeudi 18 janvier 2018 au Théâtre de Cornouaille de Quimper, repris au Théâtre Graslin de Nantes, ce mercredi 24 janvier, et que l’on pourra suivre en tournée sur diverses scènes jusqu’au 24 août. Œuvre de jeunesse, Rinaldo est le premier grand succès londonien d’un jeune Saxon vadrouilleur et très doué, Georg Friedrich Haendel (1685-1759).
En 1711, le compositeur effectue un premier séjour en Angleterre, et entreprend d’y mettre à l’honneur l’opera seria en italien. Avec Rinaldo et son livret basé sur La Jérusalem délivrée, poème héroïque du Tasse (entre autres péripéties, Godefroy de Bouillon/Goffredo et Renaud/Rinaldo y déjouent les plans machiavéliques d’Armide/Armida et d’Argant/Argante), Haendel prend d’autant moins de risques qu’il y recycle largement ses propres œuvres.
A l’exception des paroles, l’aria tubesque Lascia ch’io pianga, chanté par Almirena, la bien-aimée de Rinaldo enlevée par Armida, sort ainsi tout droit de l’oratorio de jeunesse Il Trionfo del tempo e del disinganno. Et si, en 1711, les voix sont à l’honneur, notamment celles des castrats, il s’agit surtout d’en mettre plein les yeux aux Londoniens, avec de la magie, des monstres, des machineries complexes et des métamorphoses à vue…
Il est d’usage, de nos jours, de simplifier tout cela et de métaphoriser tout ce qui est de l’ordre du surnaturel. Ce n’est pas le cas dans cette production. Adepte, avec sa compagnie La Licorne, d’un théâtre d’objets et de marionnettes manipulées par des comédiens, Claire Dancoisne joue à fond, pour sa première mise en scène lyrique, la carte du merveilleux et celle de l’humour. Comme au XVIIIe siècle, Armida la magicienne fait une entrée spectaculaire sur un magnifique dragon cracheur de fumée. Son amant Argante nous aura précédemment régalés d’une arrivée tout aussi impressionnante, juché sur un poisson monstrueux. Le chevaleresque Rinaldo, lui, n’a droit pour destrier qu’à une sorte de Rossinante squelettique et démesurée, et le contraste avec la splendeur des montures des méchants est fort drôle.
Le monde d’Armida fourmille de démons anthropomorphes à têtes d’animaux (joués, comme une foule d’autres personnages, par les comédiens Nicolas Cornille et Gaëlle Fraysse), et de dragons animés d’inspiration asiatique, comme cet arbre métallique qui est à la fois salle du trône et prison, à l’aide de cordages. On n’a jamais été aussi ravie de découvrir, littéralement, toutes les ficelles d’un spectacle ! Concernant le moment où Armida prend l’apparence d’Almirena, au point de tromper Argante, Claire Dancoisne a trouvé une idée toute simple, géniale et drôle, dont on ne dira rien pour ne pas gâcher la surprise. Pour la scène des sirènes, d’une intense poésie, tous les chanteurs, vêtus de noir, se transforment à leur tour en manipulateurs de poupées et de maquettes. Les idées abondent, et elles font mouche.
Nous aurait-on, en douce, jeté un charme de séduction ? Des coupes ont été pratiquées, qui ne se voient guère (on relèvera juste qu’il n’est plus question qu’Argante et Armida se convertissent in extremis au christianisme, comme le prévoit le livret original, débarrassé ici de toutes ses références religieuses), et les personnages secondaires supprimés ne nous manquent pas. Pour sa première confrontation opératique avec l’univers de Haendel, le chef d’orchestre Bertrand Cuiller dirige du clavecin, avec la fougue espérée, son bel ensemble Le Caravansérail, aux cordes chaleureuses et colorées, aux fières trompettes, aux beaux solos instrumentaux.
Emmanuelle de Negri est une délicieuse Almirena, espiègle à souhait avant son enlèvement, bouleversante quand elle se retrouve dans les griffes d’Armida. Dans le rôle-titre, Paul-Antoine Bénos-Djian, jeune contre-ténor à la voix souple, joue d’abord le Pierrot languide avant de revendiquer une posture plus héroïque. Goffredo a la chance d’être incarné par la charismatique Lucile Richardot, dont la voix exceptionnelle se situe, pour une fois, plutôt dans le haut de son registre d’alto. L’Argante de Thomas Dolié possède un timbre séducteur et ce qu’il faut d’ambivalence pour qu’on ne sache pas trop s’il faut le plaindre ou le détester. L’Armida en justaucorps noir et bottes rouges d’Aurore Bucher, aussi sexy qu’une héroïne de manga, se montre moins flamboyante dans son chant que dans son allure. Le soir de la première, elle livrait tout sur le même ton : la soif de conquête, le coup de foudre pour Rinaldo, le dépit amoureux, le désir de vengeance… Plus de contrastes ne nuiraient pas. Pour les dates à venir, la soprano a, en tout cas, les moyens et le temps de les proposer.

la co[opéra]tive
Qu’une compagnie de théâtre soit organisée autour d’un metteur en scène, une compagnie de danse autour d’un chorégraphe, un ensemble instrumental ou vocal autour d’un chef, rien de plus normal. L’art lyrique, qui associe deux et souvent trois de ces disciplines, s’organise moins facilement en dehors des temples qui lui sont totalement dédiés.
Les scènes nationales de Quimper (direction Franck Becker), de Dunkerque (direction Hélène Cancel) et de Besançon (direction Anne Tanguy) auxquelles s’associe le Théâtre impérial de Compiègne (direction Eric Rouchaud) ont formé le 15 avril 2014 un collectif de théâtres qui s’engage à produire dès 2015 un premier spectacle lyrique.
Ces quatre théâtres partagent avec Loïc Boissier la volonté commune de faire vivre l’opéra partout en France et idéalement pour plus d’une vingtaine de représentations.
Ils revendiquent une réelle exigence artistique tant pour le théâtre que pour la musique.
Ils s'engagent à mettre en œuvre des créations dont le format technique et financier puisse concerner un vaste réseau de diffusion du spectacle vivant en France et en Europe.
Ils s’emploieront à développer des outils de médiation et à collaborer avec des ensembles instrumentaux ou vocaux constitués et indépendants. Ils préconisent le choix de metteurs en scène de théâtre qui n'auraient pas nécessairement une grande expérience de l'opéra.
Une société en participation (SEP) est créée. Elle associe les 4 théâtres avec l’association la coopérative à qui est confiée sa gérance sous la responsabilité de Loïc Boissier. Loïc Boissier a durant 4 ans dirigé le théâtre musical de Besançon aujourd’hui intégré à la scène nationale. Fondateur de la cie Les Brigands, il a contribué depuis douze ans à élargir à plus de 140 lieux le réseau disposé à accueillir des spectacles lyriques. Ancien administrateur des Musiciens du Louvre-Grenoble, il a, de 1994 à 2004, acquis une solide connaissance du monde lyrique et de ses enjeux.
- 9 rue Lesage 75020 PARIS, France
- web
Bertrand Cuiller

Né dans une famille de musiciens, Bertrand Cuiller a débuté le clavecin à 8 ans avec sa mère Jocelyne. A treize ans il a rencontré Pierre Hantaï, qui fut son mentor pendant plusieurs années. Il a également étudié le clavecin au CNSMD de Paris auprès de Christophe Rousset. Passionné par le son du cor, il a appris à jouer les cors baroque et moderne. En 1998, il remportait à 19 ans le troisième prix du concours international de clavecin de Bruges.
Bertrand Cuiller se consacre au répertoire soliste pour clavecin, dont il affectionne particulièrement les compositeurs anglais William Byrd et John Bull, qu'il a enregistré pour Mirare et Alpha (albums "Mr Tomkins his Lessons of Worthe" et "Pescodd Time"). Il a également gravé pour ces labels des concertos de Johann Sebastian Bach avec l'ensemble Stradivaria, ainsi qu'un album Scarlatti-Soler.
Il se produit comme chambriste avec Bruno Cocset et les Basses Réunies, au sein de La Rêveuse, ainsi qu'en duo avec la violoniste Sophie Gent.
Bertrand Cuiller dirigeait à l’hiver 2012-2013 Venus & Adonis de John Blow, avec Céline Scheen, Marc Mauillon, le choeur et l'orchestre des Musicien du Paradis ainsi que la Maîtrise de Caen, dans une mise en scène de Louise Moaty.
A la suite de cette expérience, Bertrand Cuiller créait en 2014 Le Caravansérail, ensemble de musique baroque, dans le but de monter des projets autour de compositeurs qui lui tiennent à coeur et qu'il souhaite explorer en plus grand effectif.
Le dernier disque de Bertrand Cuiller, l'intégrale de l'oeuvre pour clavecin de Jean-Philippe Rameau, a reçu un accueil chaleureux de la critique (Diapason d’Or, Choc de l’année 2015 Classica).
Bertrand Cuiller et le Caravansérail sont en résidence à la Fondation Royaumont de 2014 à 2017.
Claire Dancoisne

Après un diplôme de sculpteure aux Beaux-Arts de Lille, il a fallu trois ou quatre ans à Claire Dancoisne pour faire du théâtre. Quelques détours comme infirmière en psychiatrie, puis un passage important dans une compagnie de rue créée avec quelques fous furieux. Finalement, le théâtre a pris de plus en plus de place dans sa vie, une passion qu’elle lie à celle des arts plastiques. Le masque, l’objet et le comédien « marionnettisé » deviennent très vite des évidences.
Souhaitant explorer et défendre cette forme théâtrale peu reconnue, Claire Dancoisne fonde sa propre compagnie et crée en 1986 son premier spectacle : Le Marathon, d’après Claude Confortès. Depuis près de trente ans, elle défend à travers La Licorne un théâtre exigeant capable de parler à tous, un théâtre plastique et décalé porteur de sens et de bonheur !
Claire Dancoisne a réalisé 36 créations, des spectacles en salle, de rue, pour jeune public, en appartement, dans des lieux insolites ainsi que de grands événementiels…
Le Caravansérail

Bertrand Cuiller a créé Le Caravansérail en 2015.
Alors en résidence à Royaumont comme claveciniste, Bertrand Cuiller décide avec Sylvie Brély, directrice du programme Claviers de la fondation, de se lancer dans une grande aventure : créer un ensemble qui pourrait être comme une extension de son activité de soliste et continuiste, un terrain d'expérimentation, et un lieu amical. Il fallait le concevoir assez souple pour être, selon les circonstances, groupe de musique de chambre ou orchestre d'opéra; qu'il puisse aborder selon les rencontres et les envies tous les répertoires propres aux 17e et 18e siècles, et éventuellement certaines musiques du 21e siècle, et dernier pari... un ensemble qui puisse voler de ses propres ailes au sortir d'une résidence de trois ans.
2015 : Domenico Scarlatti / Georg Frideric Handel, Ex-Aequo
2016 : A Fancy, avec Rachel Redmond, enregistrement cd pour harmonia mundi
2017 : Les 6 concertos brandebourgeois de Johann Sebastian Bach
Le Caravansérail a été choisi par la Coopérative pour une grande tournée de Rinaldo de Handel dans une mise en scène de Claire Dancoisne (en 2018, 21 dates en France et Belgique)
Aujourd'hui, l'ensemble est soutenu en aide à la structuration par la Drac Ile de France, il est membre du réseau FEVIS
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