
Johann David Heinichen (1683-1729): Alma Redemptoris Mater
Alessandro Scarlatti (1660-1725): Sonata a Quattro
Antonio Vivaldi (1678-1741): Nisi Dominus
Jan Dismas Zelenka (1679-1745): Smanie di dolci affetti...S'una sol lagrimaGesù al Calvario
Nicola Fago (1677-1745): Tam non splendet sol creatus
Jan Dismas Zelenka: Symphonie en la mineur. Allegro
Johann Adolf Hasse (1699-1783): Mea tormenta, properate!-Sanctus Petrus et Sancta Maria Magdalena
Nicola Fago : Alla gente a Dio diletta - Il Faraone sommerso
Antonio Vivaldi: Sicut Erat & Amen (Nisi Dominus)
Antonio Vivaldi: Vedro con mio diletto
Jakub Józef Orliński, contreténor
Il pomo d’oro
Francesco Corti, orgue, clavecin & direction
En ouverture du Festival En Voix !, le contre-ténor Jakub Józef Orliński offre avec maîtrise un programme de musique sacrée entre les colonnades grecques du Théâtre impérial de Compiègne, accompagné par un Pomo d’Oro aiguisé dirigé par Francesco Corti.
Après un récent récital à la Salle Gaveau de Paris, le contre-ténor Jakub Józef Orliński offre sur la scène du Théâtre Impérial de Compiègne, en ouverture du Festival En Voix ! (nouveau et premier festival régional d’art lyrique et de chant choral des Hauts-de-France) un programme Alma Sacra (Âme sacrée), titre de son CD fraîchement paru avec des œuvres sacrées de Heinichen, Vivaldi, Fago, mais aussi Zelenka et Hasse, invitant les auditeurs à « quelque chose de céleste, quelque chose qui n’est pas de ce monde » pour reprendre les dires de l’interprète.
Le charme opère dès l’introduction tout en délicatesse de l’Alma Redemptoris mater d’Heinichen où l’orchestre Il Pomo d’Oro cultive la finesse du son avant que le chanteur n’ébauche un léger motif a cappella, douce volute sonore. La limpidité du discours s'orne de vocalises et s'appuie sur de longues lignes legato déployées avec aisance. Le contre-ténor respire son propos (l’italien comme le latin authentiques à l’écoute), et l’articule en faisant fi des exigences techniques. Les trilles de fin de phrase sont élégamment menés, les gammes filées en un souffle, les tenues justes au crescendo progressif, tandis que les nombreux sauts de larges intervalles, mobilisant des registres de voix différents (des médiums poitrinés à des aigus désincarnés), s’inscrivent dans un phrasé qui préserve son sang froid.
La technique se montre ainsi solide, et s’articule avec un timbre à la fraîcheur adolescente. D’une clarté suave dans les aigus comme dans le registre plus grave, la voix se déploie avec agilité et peint avec délicatesse aussi bien la sérénité planante des pièces aux tempi retenus que l’agitation (parfois timide) dans les parties plus rapides (le Nisi Dominus de Vivaldi). Le répertoire convoqué appelant beaucoup de corps dans la voix, celle-ci montre malgré tout ses limites, que ce soit en puissance comme en intensité. Juvénile et très expressive, elle demeure dans une légèreté de corps qui s’incarne dans de rarissimes fortissimi lorsque l’accompagnement et la partition l’appellent, mais aussi en un manque de caractère dans la voix qui adoucit certaines parties le requérant (l’ « Alleluja » final et ses myriades de vocalises dans le Tam non splendet sol creatus de Fago). L’ensemble pourrait ainsi gagner en amplitude, malgré de très belles pages (un serein Dum infans iam dormit avec des lignes mélodiques gracieuses).
Le contre-ténor est soutenu par l’orgue de Francesco Corti et l’effectif modéré d'Il Pomo d’Oro dont les mille nuances portent le chanteur, depuis les pianissimi presque imperceptibles jusqu'à des fortissimi fort timbrés. Le son est bien ciselé (les interprètes étant chacun de brillants techniciens de leur instrument), avec un équilibre sensible et juste entre voix solistes et continuo, parfois trop serré dans les parties allantes marquées par des silences bruts, mais offrant une large palette expressive avec un jeu très investi. En soliste, ils proposent l’Allegro de la Sinfonia en la mineur de Zelenka débordant d’énergie, les archets du continuo claqués sur les cordes tandis que violon et hautbois exécutent avec brio les lignes tortueuses.
Face aux applaudissements synchronisés du public, le chanteur, visage radieux, montre quelques pas de break dance avant d’offrir trois bis, l’Alla gente a Dio diletta où il escalade les marches harmoniques en un legato soigné, un passage du Nisi Dominus de Vivaldi avant de revenir sur scène sans partition pour délivrer l’éternel Vedrò con mio diletto de Vivaldi. Vraisemblablement détendu par les applaudissements, Orliński s’adonne entier à cet air avec une personnalité plus affirmée qu’auparavant, le chanteur s’appropriant le matériau de l’œuvre pour en exprimer toute la tension et la communiquer auprès du public.

Théâtre Impérial de Compiègne
La construction d'un théâtre à Compiègne est décidée par l'empereur Napoléon III en 1866, pour divertir sa cour. C'est lui-même qui choisit l'emplacement et l'architecte du bâtiment, Gabriel-Auguste Ancelet. Les travaux commencent en 1867 et vont bon train jusqu'à ce qu'éclate la guerre de 1870 contre la Prusse ; la bataille de Sedan ruine l'Empire et toute possibilité d'achever l'édifice dans les temps.
Si les murs sont construits, le projet de décoration de la scène est laissé en suspens : si les sculptures de Gustave Crauk sont faites à temps, le plafond, qui devait comporter des peintures d’Élie Delaunay, reste nu.
Il faudra attendre 1987 pour que l'association « Pour le Théâtre impérial de Compiègne » créée par Pierre Jourdan, mène le programme de restauration et le recueil des fonds destinés à restaurer le bâtiment et en faire un haut-lieu de la scène lyrique. Toute une équipe de maîtres d’œuvre et des architectes parmi lesquels Renaud Bardon, permettront de lancer les travaux en 1990 pour que le bâtiment accueille au plus vite une autre association toujours à l'initiative de Pierre Jourdan, « le Théâtre Français de la Musique » qui elle, sera chargée de la programmation des spectacles.
L'inauguration officielle est faite en septembre 1991, sur Henry VIII de Camille Saint-Saëns sous une réalisation de Pierre Jourdan.
En décembre 2008, au cours de l'assemblée générale extraordinaire qui se tient au théâtre et un peu plus d'un an après la disparition de Pierre Jourdan, les deux associations disparaissent également. Le 6 mars 2009 la nouvelle direction est confiée à Éric Rouchaud, désormais chargé de la programmation des spectacles et de continuer ainsi à faire vivre le théâtre impérial de Compiègne. La direction technique est confiée à Jean-Philippe Le Priol dès 2008.
Le 21 septembre 2010, une plaque commémorative fut posée dans l'atrium de ce théâtre, rappelant la mémoire de Pierre Jourdan désormais indissociable de ces lieux.
La qualité de l'acoustique de la salle vient de sa conception, construite « à l'italienne » et en bois à 90 %. Avec l'appui de l'isolation phonique de la cage de scène et du transfert et de l'amplification du son par les dessous en bois, la réverbération donne à la salle d'excellentes qualités acoustiques, nécessitant un faible besoin en puissance pour les sons acoustiques, électriques et électro-acoustiques. Un écrin exceptionnel offrant une acoustique considérée comme l'une des meilleures au monde.
Des chefs d'orchestre renommés reconnaissaient les qualités de la salle, tels Carlo Maria Giulini qui la voyait « comme une des plus parfaites du monde, plus accomplie que celle du Musikverein de Vienne, pourtant la référence en la matière ».
Jakub Józef Orliński

C’est à l’été 2017 que Jakub Jozef Orlinski fait le buzz pour la première fois. À Aix-en-Provence, il participe à Carrefour de Lodéon. Ne sachant pas que cette émission radiophonique va être filmée, il arrive sur scène en bermuda et baskets. Plus que son interprétation – pourtant remarquable ! – de l’aria « Vedro con mio diletto » de Vivaldi, c’est sa tenue qui retient l’attention, et sans doute son physique aussi… Postée sur Facebook et YouTube, la vidéo devient virale et est visionnée par plusieurs millions d’internautes. Un coup de projecteur pour le contre-ténor polonais, qui voit alors sa carrière prendre un envol inattendu.
Aujourd’hui, c’est Erato/Warner Classics qui mise sur lui, en lui offrant un récital aux côtés de Maxim Emelyanychev et de l’orchestre Il Pomo d’Oro. L’album, intitulé Anima Sacra, rassemble onze titres de musique sacrée de Zelenka, Hasse, Schiassi ou Durante, dont huit inédits. Comme l’indique le jeune chanteur, « il n’y a rien de comparable à la sensation que vous ressentez, lorsque vous ramenez à la vie une œuvre qui n’a pas été jouée depuis le début du XVIIIe siècle ».
Cette exploration du répertoire n’est pas nouvelle pour l’artiste. Élevé dans une famille de créateurs (peintre, graphiste, architectes) mélomanes, Jakub Jozef Orlinski intègre, dès l’école primaire, le chœur Gregorianum, où il restera pendant onze ans, abordant toutes les facettes du répertoire de la Renaissance. « Cette expérience a eu un énorme impact sur moi en tant que jeune garçon, mais également sur ma carrière. » En effet, il en conservera un amour indéfectible pour la musique ancienne et baroque, et cite les deux chefs du chœur, Berenika Jozajtis et Leszek Kubiak, parmi les personnes les plus importantes de son parcours.
Toutefois, s’il participe assidûment et passionnément aux concerts donnés par cette formation amateur, il ne suit aucun enseignement musical en parallèle. Ce qui ne l’empêche pas, au lendemain de son baccalauréat, de commencer à envisager une carrière de soliste.
Il Pomo d'Oro

Il pomo d’oro est un orchestre fondé en 2012. Même s’il se focalise surtout sur l’opéra, il attache une grande importance aux performances instrumentales exécutées dans différentes formations. Les musiciens réunis dans ce groupe figurent parmi les meilleurs du monde, assurant un jeu authentique et fort intense sur des instruments d’époque. Dotés d’un profond enthousiasme, ces artistes et leur jeune chef d’orchestre Maxim Emelyanychev constituent un ensemble d’une remarquable qualité, capable d’allier leur connaissance des différents styles aux plus hautes compétences techniques.
Leur collaboration avec le violoniste et chef d’orchestre Riccardo Minasi leur a valu le prix du premier enregistrement (Vivaldi, Per l’imperatore). Leur second enregistrement, les concerts pour violon de Vivaldi Per Pisendel, avec le soliste et chef d’orchestre Dmitry Sinkovsky, a reçu le Diapason d'Or. En 2012, il pomo d'oro a également enregistré 3 CD solo avec trois contre-ténors - Max Emanuel Cencic (Venezia), Xavier Sabata (Bad Guys) et Franco Fagioli (Arias for Caffarelli), sous la direction de Riccardo Minasi. L’album Arias for Caffarelli a été distingué comme le 'Choc de l'année 2013' par la revue française Classica. L’enregistrement des Concerti per due violini, joués et dirigés par Riccardo Minasi et Dmitry Sinkovsky, a fait l’objet d’une nouvelle contribution au label Naïve-Vivaldi-Edition lors de sa parution en octobre 2013. Parallèlement au projet éditorial sur la Gondole vénitienne, de l’auteure américaine Donna Leon, il pomo d'oro a enregistré toute une série d’anciennes barcaroles vénitiennes, chantées par Vincenzo Capezzuto. Le récital de différentes arias d’Agrippina – quasiment toutes des premières mondiales enregistrées sur CD - chantées par la mezzo-soprano suédoise Ann Hallenberg sous la direction de Riccardo Minasi, est sorti en 2015. Agrippina a remporté l’International Classic Mucic Award et l’International Opera Award. En novembre 2015 est sorti un second album intitulé Arie Napoletane avec Max Emanuel Cencic, sous la direction de Maxim Emelyanychev. Cet album comporte un grand nombre d’enregistrements de premières mondiales du répertoire napolitain, qui est encore à redécouvrir. En 2016, il pomo d’oro a enregistré son premier récital avec la mezzo-soprano américaine Joyce DiDonato, In War and Peace, sorti en novembre 2016, suivi d’une tournée de concerts en Europe et aux États-Unis, sous la direction de Maxim Emelyanychev. Au cours de l’automne 2016 a été enregistré un second récital avec Ann Hallenberg, présentant les meilleures pièces du Carnaval de Venise de 1729 – le premier enregistrement de il pomo d’oro sous la direction de Stefano Montanari. La saison d’enregistrements pour l’année 2016 s’est achevée par une première collaboration avec Enrico Onofri et la jeune soprano italienne Francesca Aspromonte. En mars 2017, il pomo d’oro a enregistré, sous la direction de Zefira Valova, un nouveau récital d’arias de Händel avec le contre-ténor Franco Fagioli.
Il pomo d'oro a enregistré, jusqu’à présent, quatre opéras complets : Tamerlano de Händel, Catone in Utica de Leonardo Vinci – qui a reçu l’Echo Klassik 2016 - Partenope de Händel ( dirigés tous trois par Riccardo Minasi ) et Ottone de Händel ( dirigé par George Petrou ). Parmi les chanteurs figurent Franco Fagioli, Max Emanuel Cencic, Xavier Sabata et Karina Gauvin.
D’autres enregistrements instrumentaux comportent des concerts de Haydn pour clavecin et violon, sous la co-direction de Maxim Emelanychev, en tant que claveciniste soliste et de Riccardo Minasi, en tant que violoniste soliste (parution au début de l’année 2016), ainsi qu’un récital de violoncelle avec Edgar Moreau interprétant des pièces de Haydn, Boccherini, Platti, Graziani et Vivaldi, sorti en novembre 2015. L’Echo Klassik Award 2016 a été décerné à ces deux enregistrements. Un nouvel enregistrement avec le violoniste Dmitry Sinkovsky explore le répertoire des grands virtuoses du violon baroque, tels que Locatelli, Tartini, Leclair, Pisendel et d’autres encore.
Il pomo d’oro se produit dans toutes les plus grandes salles de concerts d’Europe et des États-Unis, comme le Théâtre des Champs-Élysées, le Theater an der Wien, le Barbican Center, Wigmore Hall, Carnegie Hall (2017), la Philharmonie Berlin (2017) et la Herkulessaal de Munich, pour n’en citer que quelques-unes.
El Sistema Greece
En 2016, il pomo d’oro est devenu l’ambassadeur de EL SISTEMA GREECE, un projet humanitaire ayant pour objectif de combattre la perte de son chez-soi et de son identité en offrant une éducation musicale et en promouvant l’activité musicale des personnes déjà initiées ; ce projet consiste également à organiser des concerts, à créer des échanges culturels en mêlant les différentes traditions musicales et à favoriser l’intégration en alliant éducation linguistique et éducation musicale. Il pomo d’oro propose des concerts, ainsi que des workshops et des cours de musique où il applique, sur un rythme régulier et fréquent, la méthode El Sistema dans différents camps de réfugiés en Grèce.
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